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Géorgie: Mikhaïl Kavelachvili, un ex-footballeur propulsé à la présidence d'un pays en pleine crise

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Alors que les manifestations perdurent depuis plus de deux semaines contre la décision du gouvernement de suspendre jusqu'à 2028 les négociations d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne, l'ex-footballeur Mikhaïl Kavelachvili a été élu samedi 14 décembre pour succéder à la présidente pro-européenne Salomé Zourabichvili.

Quarante-six sélections, neuf buts en équipe nationale, sacré trois fois champion de Géorgie avec le Dinamo Tbilissi… Mikhaïl Kavelachvili, 53 ans, est considéré dans son pays comme un des attaquants les plus talentueux de sa génération. Passé par Manchester City, il a fait carrière dans des clubs suisses — du Grasshopper Zurich au FC Bâle — avant de retirer ses crampons en 2007. Reconverti en agent, pour aider ses jeunes compatriotes à partir jouer à l’étranger, il brigue en 2015 la présidence de la Fédération géorgienne de football. Mais, faute de diplômes suffisants (il n'a pas fait d'études supérieures), il est écarté de ce poste.

C’est alors qu’il bascule en politique : en 2016, il devient député pour Le Rêve géorgien, un parti national-populiste fondé par l’oligarque Bidzina Ivanichvili, qui a fait fortune en Russie et est devenu en une dizaine d’années le véritable homme fort du pays.

S’il n’a a priori pas le CV pour être président, il est un fidèle du parti et a le physique de l’emploi. « Le Rêve géorgien utilise beaucoup le sport dans sa propagande », constate Thorniké Gordadzé, ancien ministre de l’Intégration européenne entre 2010-2012, et chercheur à l’Institut Jacques Delors et au sein du think tank géorgien Gnomon Wise. « Parmi les députés du Rêve géorgien, il y a des haltérophiles, des rugbymen, des joueurs de basket, plusieurs footballeurs, des lutteurs. C’est un parti populiste qui capitalise beaucoup sur la renommée des sportifs géorgiens. Kavelachvili fait partie de cette stratégie. »

Footballeur devenu député d’extrême droite

En tant que député, Mikhaïl Kavelachvili a notamment défendu la loi dite « des agents étrangers », calquée sur la Russie, selon laquelle les ONG qui reçoivent plus de 20 % de leur financement de l’étranger doivent s’enregistrer en tant « qu’organisations servant les intérêts d’une puissance étrangère. » Une décision adoptée par la majorité parlementaire du Rêve géorgien qui avait provoqué des manifestations massives à Tbilissi au printemps 2024.

« Mikhaïl Kavelachvili représente l’aile la plus radicale du Rêve géorgien, juge Thorniké Gordadzé. Il faisait même partie d’un groupe de députés qui étaient les avant-coureurs de la stratégie anti-occidentale et anti-européenne du Rêve géorgien. Ils ont repris la rhétorique, le narratif russe sur la menace LGBTQ+, sur l’Europe et les États-Unis comme étant les ennemis des traditions géorgiennes, et les occidentaux comme étant promoteurs et instigateurs de la guerre en Ukraine… Il est de cette mouvance. »

Pour la première fois, le futur président n'est pas élu au suffrage universel direct, mais nommé par une Commission électorale d’élus, suite à un changement constitutionnel décidé en 2017 à la demande du Rêve géorgien. Ainsi, le parti au pouvoir contrôlera la dernière institution qui lui échappait encore. En effet, l’actuelle présidente, Salomé Zourabichvili, une diplomate pro-européenne, est devenue la porte-voix de ceux qui s’opposent à l’éloignement de la trajectoire européenne de la Géorgie, acté par l’actuel Premier ministre, Irakli Kobakhidzé, qui a annoncé il y a deux semaines reporter l’adhésion de la Géorgie à l’UE à 2028. Une décision qui a déclenché de nouvelles manifestations massives à Tbilissi et dans tout le pays, soutenues par Salomé Zourabichvili qui réclame de nouvelles élections depuis les législatives du 26 octobre, entachées de fraudes.

À lire aussiSalomé Zourabichvili, présidente de la Géorgie: «Je reste la seule institution indépendante et légitime»

Président : une fonction symbolique qui tombe dans l’escarcelle du pouvoir

« Depuis que le Rêve géorgien est au pouvoir, nous avons eu deux présidents de la République. Les deux ont fini par prendre leurs distances et s'opposer à Bidzina Ivanichvili, qui dirige le pays comme son entreprise et ne tolère pas d’indépendance d’esprit, estime Thorniké Gordadzé, qui ne cache pas son opposition au pouvoir en place. Donc, cette fois, Ivanichvili a choisi Mikhaïl Kavelachvili, parce qu’il n’a pas les compétences, qu’il lui est fidèle et ne se servira pas de l’institution contre lui. »

Le mandat de Salomé Zourabichvili arrivant à son terme le 29 décembre, « il n’est pas très étonnant que le Rêve géorgien choisisse une personnalité plus favorable à la ligne du gouvernement », nuance Taline Ter Minassian, directrice de l’Observatoire des États post-soviétiques. Elle souligne que « malgré les sincères aspirations d’une partie de la population à rejoindre l’Union européenne, la Géorgie reste très dépendante de la Russie » dans ses approvisionnements en blé ou en gaz naturel, ainsi que pour l’exportation de son vin.

Selon cette spécialiste des pays du Caucase, au-delà des questions idéologiques qui divisent le pays et des soupçons de fraude électorale non élucidés, le gouvernement géorgien actuel défend une posture pragmatique, de realpolitik, au vu de la géographie et des intérêts vitaux de la Géorgie.

Quel futur pour la contestation ?

La présidence en Géorgie est une fonction essentiellement symbolique, aux ressources très limitées. Mais il lui reste des prérogatives, garanties par la Constitution. Notamment une qui pourrait s'avérer déterminante pour l'avenir de la contestation dans les rues : si le gouvernement souhaitait décréter l'état d'urgence, pour imposer un couvre-feu par exemple — et ainsi faire taire la contestation de manière légale — il aurait besoin de la signature du président.

Une signature impossible à obtenir de l'actuelle présidente pro-européenne, Salomé Zourabichvili, qui a par ailleurs déclaré qu'elle ne quittera pas le palais présidentiel tant que de nouvelles élections législatives ne sont pas convoquées, le Parlement élu étant « illégitime » selon elle et, par extension, le président choisi par un collège électoral le 14 décembre l’est également. Une position que n’a pas manqué de critiquer le président élu, Mikhaïl Kavelachvili : « Le président actuel a ouvertement insulté et méprisé notre document le plus important, la Constitution de la Géorgie, et continue de la violer à ce jour. En conséquence, notre société s'est divisée. La radicalisation et la polarisation sont alimentées, d'autant plus que nos "amis" malveillants contribuent à exacerber ce processus. »

La Géorgie aura-t-elle deux présidents ? Les prochaines semaines risquent d’être mouvementées.

À écouter dans GéopolitiqueGéorgie, la fin du rêve européen ?

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Quarante-six sélections, neuf buts en équipe nationale, sacré trois fois champion de Géorgie avec le Dinamo Tbilissi… Mikhaïl Kavelachvili, 53 ans, est considéré dans son pays comme un des attaquants les plus talentueux de sa génération. Passé par Manchester City, il a fait carrière dans des clubs suisses — du Grasshopper Zurich au FC Bâle — avant de retirer ses crampons en 2007. Reconverti en agent, pour aider ses jeunes compatriotes à partir jouer à l’étranger, il brigue en 2015 la présidence de la Fédération géorgienne de football. Mais, faute de diplômes suffisants (il n'a pas fait d'études supérieures), il est écarté de ce poste.

C’est alors qu’il bascule en politique : en 2016, il devient député pour Le Rêve géorgien, un parti national-populiste fondé par l’oligarque Bidzina Ivanichvili, qui a fait fortune en Russie et est devenu en une dizaine d’années le véritable homme fort du pays.

S’il n’a a priori pas le CV pour être président, il est un fidèle du parti et a le physique de l’emploi. « Le Rêve géorgien utilise beaucoup le sport dans sa propagande », constate Thorniké Gordadzé, ancien ministre de l’Intégration européenne entre 2010-2012, et chercheur à l’Institut Jacques Delors et au sein du think tank géorgien Gnomon Wise. « Parmi les députés du Rêve géorgien, il y a des haltérophiles, des rugbymen, des joueurs de basket, plusieurs footballeurs, des lutteurs. C’est un parti populiste qui capitalise beaucoup sur la renommée des sportifs géorgiens. Kavelachvili fait partie de cette stratégie. »

Footballeur devenu député d’extrême droite

En tant que député, Mikhaïl Kavelachvili a notamment défendu la loi dite « des agents étrangers », calquée sur la Russie, selon laquelle les ONG qui reçoivent plus de 20 % de leur financement de l’étranger doivent s’enregistrer en tant « qu’organisations servant les intérêts d’une puissance étrangère. » Une décision adoptée par la majorité parlementaire du Rêve géorgien qui avait provoqué des manifestations massives à Tbilissi au printemps 2024.

« Mikhaïl Kavelachvili représente l’aile la plus radicale du Rêve géorgien, juge Thorniké Gordadzé. Il faisait même partie d’un groupe de députés qui étaient les avant-coureurs de la stratégie anti-occidentale et anti-européenne du Rêve géorgien. Ils ont repris la rhétorique, le narratif russe sur la menace LGBTQ+, sur l’Europe et les États-Unis comme étant les ennemis des traditions géorgiennes, et les occidentaux comme étant promoteurs et instigateurs de la guerre en Ukraine… Il est de cette mouvance. »

Pour la première fois, le futur président n'est pas élu au suffrage universel direct, mais nommé par une Commission électorale d’élus, suite à un changement constitutionnel décidé en 2017 à la demande du Rêve géorgien. Ainsi, le parti au pouvoir contrôlera la dernière institution qui lui échappait encore. En effet, l’actuelle présidente, Salomé Zourabichvili, une diplomate pro-européenne, est devenue la porte-voix de ceux qui s’opposent à l’éloignement de la trajectoire européenne de la Géorgie, acté par l’actuel Premier ministre, Irakli Kobakhidzé, qui a annoncé il y a deux semaines reporter l’adhésion de la Géorgie à l’UE à 2028. Une décision qui a déclenché de nouvelles manifestations massives à Tbilissi et dans tout le pays, soutenues par Salomé Zourabichvili qui réclame de nouvelles élections depuis les législatives du 26 octobre, entachées de fraudes.

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Président : une fonction symbolique qui tombe dans l’escarcelle du pouvoir

« Depuis que le Rêve géorgien est au pouvoir, nous avons eu deux présidents de la République. Les deux ont fini par prendre leurs distances et s'opposer à Bidzina Ivanichvili, qui dirige le pays comme son entreprise et ne tolère pas d’indépendance d’esprit, estime Thorniké Gordadzé, qui ne cache pas son opposition au pouvoir en place. Donc, cette fois, Ivanichvili a choisi Mikhaïl Kavelachvili, parce qu’il n’a pas les compétences, qu’il lui est fidèle et ne se servira pas de l’institution contre lui. »

Le mandat de Salomé Zourabichvili arrivant à son terme le 29 décembre, « il n’est pas très étonnant que le Rêve géorgien choisisse une personnalité plus favorable à la ligne du gouvernement », nuance Taline Ter Minassian, directrice de l’Observatoire des États post-soviétiques. Elle souligne que « malgré les sincères aspirations d’une partie de la population à rejoindre l’Union européenne, la Géorgie reste très dépendante de la Russie » dans ses approvisionnements en blé ou en gaz naturel, ainsi que pour l’exportation de son vin.

Selon cette spécialiste des pays du Caucase, au-delà des questions idéologiques qui divisent le pays et des soupçons de fraude électorale non élucidés, le gouvernement géorgien actuel défend une posture pragmatique, de realpolitik, au vu de la géographie et des intérêts vitaux de la Géorgie.

Quel futur pour la contestation ?

La présidence en Géorgie est une fonction essentiellement symbolique, aux ressources très limitées. Mais il lui reste des prérogatives, garanties par la Constitution. Notamment une qui pourrait s'avérer déterminante pour l'avenir de la contestation dans les rues : si le gouvernement souhaitait décréter l'état d'urgence, pour imposer un couvre-feu par exemple — et ainsi faire taire la contestation de manière légale — il aurait besoin de la signature du président.

Une signature impossible à obtenir de l'actuelle présidente pro-européenne, Salomé Zourabichvili, qui a par ailleurs déclaré qu'elle ne quittera pas le palais présidentiel tant que de nouvelles élections législatives ne sont pas convoquées, le Parlement élu étant « illégitime » selon elle et, par extension, le président choisi par un collège électoral le 14 décembre l’est également. Une position que n’a pas manqué de critiquer le président élu, Mikhaïl Kavelachvili : « Le président actuel a ouvertement insulté et méprisé notre document le plus important, la Constitution de la Géorgie, et continue de la violer à ce jour. En conséquence, notre société s'est divisée. La radicalisation et la polarisation sont alimentées, d'autant plus que nos "amis" malveillants contribuent à exacerber ce processus. »

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À écouter dans GéopolitiqueGéorgie, la fin du rêve européen ?

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